Un travail redécouvert à travers une monographie et une rétrospective.
C’est en 2010 que le grand public découvre enfin l’univers de Jean-Pierre Laporte. Une rétrospective à la galerie Edouard Edwards à Paris, couplée à la présentation du fauteuil Esox lors de l’exposition “Mobi-Boom” aux Arts Décoratifs, marque sa première exposition d’envergure.
Une reconnaissance inattendue, comme il le raconte : "Un jour, un jeune passionné de design des années 60 est venu à mon bureau. Il m’avait écrit plusieurs fois, sans réponse, et voulait faire un livre sur mon travail. C’est grâce à lui que le projet a vu le jour. C’est le hasard de la vie".
C’est ainsi qu’est né "65|75, Jean-Pierre Laporte, Dix ans de création", un ouvrage signé Karoll Audibert. Ce livre ouvre une fenêtre sur l’univers singulier du designer, et fait résonner son nom cinquante ans après ses premières créations. Jugé “trop moderne” en 1965, c’est en 2010 que ses assises aux formes sensuelles et envoûtantes retrouvent la lumière.
Du bois au polyester : libérer les formes !
Formé à l’école Boulle puis aux Arts Décoratifs, Jean-Pierre Laporte intègre Thonet en 1965. À cette époque, le bois règne en maître : « J’ai commencé par dessiner des séries de chaises, fauteuils et chauffeuses en bois, car c’était une condition pour que Thonet produise. Leur savoir-faire était centré sur cette matière. » Mais la rigidité du bois et l’influence de Pierre Paulin vont l’inciter à explorer d’autres matériaux.
"Je me suis rendu compte que le bois imposait des limites. Avec le polyester, on pouvait libérer les formes, même s’il y a des contraintes de démoulage". C’est ainsi qu’en 1969 naît Girolle, un fauteuil aux lignes généreuses, presque érotiques.
Une vision en courbes et contre-courbes
"Le corps humain n’est pas fait de lignes droites ! Il faut s’adapter à ses formes, à sa sensibilité". Tout au long de son parcours, Laporte explore cette idée à travers un travail de formes courbes et contre-courbes, moulées et adaptées au corps. "Tous mes produits sont moulés. Pour le Girolle, il m’a fallu un an et demi, et trois prototypes, pour atteindre la forme finale". Ce long travail expérimental est soutenu par Thonet, convaincu par l’évolution des formes.
Puis vient Esox, édité en 1970 par Burov : un fauteuil à coque sinueuse en polyester moulé, habillé d’un tissu Kvadrat aux teintes vives. « L’art de faire s’asseoir les gens » : une constante, même en 2016 Jean-Pierre Laporte ne s’arrête pas là. « En 1975, j’ai arrêté la création. J’ai repris il y a deux ans. Aujourd’hui, je travaille sur de nouveaux modèles inspirés de petits prototypes de l’époque, pour des fauteuils et des chaises. » Un prototype est en cours de développement, mais il faudra encore quelques mois avant qu’il soit finalisé. « J’espère que ce sera une surprise pour tout le monde ! » Quand sera-t-il révélé ? Le temps nous le dira. Jean-Pierre Laporte, avec humour, conclut : "J’ai plein de choses à faire… il faut que j’aille à la pêche !"