Une enfance milanaise et une obsession : organiser l’espace
Née à Milan en 1940, passée par l’Athenaeum de Lausanne où elle se forme au design visuel et industriel, Antonia Astori développe très tôt une réflexion profonde : comment façonner un intérieur qui accompagne la vie plutôt que de la figer ?
Pour elle, le meuble n’est pas un objet isolé. C’est un fragment d’architecture, un élément capable de définir une pièce, de créer des zones, de structurer un mode de vie.
Driade : un laboratoire de liberté
En 1968, elle cofonde avec son frère Enrico et Adelaide Acerbi ce qui deviendra l’une des maisons les plus influentes du design italien : Driade.
L’entreprise naît dans un contexte où s’entrechoquent radicalisme, nouvelles technologies, culture pop et aspirations à un habitat plus libre.
Astori y joue un rôle central : elle conçoit des meubles, mais aussi des espaces, des installations et même l’identité spatiale de la marque elle-même.
« Un meuble ne se pose pas simplement dans une pièce : il structure le quotidien. » — Antonia Astori
Driade 1 : la révolution modulaire (1972)
Avec Driade 1, Antonia Astori renverse les codes. Elle crée un système d’ameublement composé d’éléments indépendants — colonnes, étagères, modules de rangement — assemblables à volonté.
À l’opposé du mobilier massif des années 60, elle imagine une architecture intérieure fluide, recomposable, presque infinie.
Les matériaux dialoguent entre eux : bois et stratifié, métal et verre, parfois même plastique moulé, dans un esprit proche du design radical italien (Archizoom, Superstudio).
Le succès est immédiat : les appartements urbains, plus compacts, adoptent cette vision nouvelle d’un mobilier adaptable.
Oikos : l’habitat comme organisme vivant
Dans les années 1990, Astori conçoit Oikos, un système complet d’aménagement pour toutes les pièces de la maison : séjour, chambre, cuisine, bureau.
Avec Oikos, elle pousse plus loin encore l’idée d’une domesticité évolutive : volumes clairs, compositions ouvertes, matériaux sobres mais nobles.
Elle pense l’habitat comme un organisme vivant, capable d’accueillir des usages qui changent — un concept étonnamment actuel.
Collaborations, installations et reconnaissance
Au fil des décennies, Antonia Astori développe une activité d'architecte d’intérieur :
- aménagement du siège de Driade à Piacenza,
- installations pour le Salone del Mobile (Villa aux colonnes bleues, Omaggio a Mies…),
- conception de la boutique parisienne de Marithé et François Girbaud, devenue iconique.
Peu médiatisée mais très respectée, elle influence profondément le design italien.
Sa vision modulaire inspire aujourd’hui toute une génération, du micro-logement aux bibliothèques reconfigurables.
Une pionnière de l’essentiel
Antonia Astori a anticipé le monde d’aujourd’hui : les espaces réduits, les objets nomades, la nécessité d’un design flexible et durable.
Sans bruit, sans effets de mode, elle a dessiné une modernité élégante, cohérente, extrêmement contemporaine. À l’heure du design circulaire et des intérieurs adaptables, son œuvre apparaît plus actuelle que jamais.
Achille